L'altiplano Bolivien (du 18 au 21.02.08)

Sucre (2790 metres d'altitude)  

Ca y est nous voici sur l’altiplano, l’air n’est pas si rare que ca, pas de mal a la tete, pas de vomissement, juste un peu essouffle a marcher dans les rues escarpees de Sucre. En plus la ville est plutot pentue ; coincee entre 7 collines, seul le centre est plat. Autour de la splendide place principale s’elevent des batiments monumentaux aux facades uniformement blanches.

     

        

Autour encore une dizaine de rues vivent au rythme du marche, et a chaque coin de rue trone une immense eglise coloniale a la facade elle aussi plus ou moins blanche, sur les trottoirs une multitude de citadins installent sur un petit bout de tissus des stands de toutes sorte, pains, patisseries, sous vetements, fruits, bijoux ou produits d’hygiene. La ville semble vivre au rythme de ces marches, on dirait que tout le monde se retrouve dans les rues du centre en train de se faufiler entre les milliers de voitures et les minibus bondes qui se succedent sans fin. Alors qu'un petit homme vert equipe d’un jolie sifflet blanc orchestre d’une main de maitre ce ballet anarchique, et reussit au terme d’une vraie choregraphie a mettre un peu d’ordre dans cette circulation chaotique. On se retrouve donc rapidement dans le marche central, baignes dans un melange d’odeurs des plus agreables aux plus ecoeurantes. C’est une explosion de couleurs entre les etalages de fruits, de fleurs, d’epices, de flancs et de gateaux psychedeliques.

     

     

 Ici on vend de tout et dans des conditions d’hygiene que les petits estomacs fragiles d’europeens ont du mal a tolerer. Mais ca a l’air tellement sympa et en plus il nous reste une plaquette entiere d’imodium, on decide donc de manger pour trois sous dans ce comedor municipal en compagnie de tout les locaux. Le comedor c’est une sorte de grande cantine dans un vieux marche, ou viennent manger les plus pauvres, comme les travailleurs cravates. Des centaines d’autochtones s’y entassent autour de longues tables recouvertes d’une vieille nappe en plastique et des dizaines de cuisinieres s’afferent dans des petits box ouverts sans eau ni electricite a cuisiner differents plats populaires. Elle sortent alors de grosses marmites reposant sur un vieux butagaz les ragouts du jour qu’elles servent a peine chaud dans des assiettes dont on ne prefere pas savoir comment elles ont ete lavees. Au comedor on ne choisit pas reellement sa cantine, on s’asseoit rapidement surtout quant on est europeen car on est vite repere, et c’est seulement une fois assis qu’ on prend le temps de choisir. Apres un premier choix malheureux on prend de l’experience et le jour suivant on met en place la technique de selection par reperage visuel : “Je vais prendre ca svp” (technique qui peut s’averer malheureuse en cas de myopie importante).

     

Apres ce repas au cout exhorbitant de 0,80 euros, on continue d’arpenter la ville et on se retrouve dans le muse ethnographique. Le muse propose une exposition de costumes et de masques utilises lors du carnaval et des fetes patronales locales. Les personnages hauts en couleurs representent des divites indigenes ancestrales ou post coloniale personnifiees au travers de visages humains ou animaux. Le tout offre un spectacle esthetiquement riche oscillant entre une exposition naive coloree et la galerie des horreurs sur fond de musique tribale.

         

         

Maintenant qu’on a parcouru au moins une dizaine de fois chacune des rues du centre, que l’on a visite les eglises ouvertes, manger au marche populaire et flanner dans les etalages d’artisanats, on peut quitter Sucre pour monter quelques 1300 metres plus hauts et quelques centaines de kilometres plus loin a Potosí.

 

Potosi (4090 metres d'altitude)  

Potosí est beaucoup plus pauvre et beaucoup moins rutilante que Sucre, alors que historiquement elle a ete une des villes les plus importantes du monde. Nichee au pied du Cerro Rico, la ville a ete pillee par l’empire espagnol, qui a quasiment epuise le minerais d’argent qu’on trouvait en abondance dans le ventre de sa montagne pyramidale.

A cette epoque le royaume le plus puissant de l’ancien monde fait travailler des indigenes et des esclaves noirs dans les mines de Potosí pour inonder le monde entier (a l’exception de l’Asie) de sa monnaie d’argent pure (ou presque). Au total des millions on ete extraits du Cerro rico et directement transformes au coeur meme de la ville en reals frappes du sceau du royaume. Aujourd’hui malgre que le dollar americain porte encore les stigmates de la puissance potosienne d’antan, cette ville s’est eteinte aux yeux du monde. Il n’en reste plus qu’une cite au destin sordide, noir et poussiereux ou des boliviens de toutes provenances viennent encore s’entasser dans ses boyaux sombres carressant l’espoir d’y faire fortune. Mais aujourd’hui la mine, qui reste l’activite principale de la ville (voir unique), recele plus de minerais de zinc et de cuivre que d’argent pure. La mine c’est une multitude de galeries etroites irrespirables au coeur du Cerro Rico ou s’enfoncent chaques jours 8 a 10 heures durant plus de 10000 adultes et quelques 2000 mineurs (d’age) a plus de 40 degres. Mais c’est aussi 90 % de travailleurs qui ne cotisent pas pour une assurance maladie ni pour une retraite sachant que pour la plupart il n’atteindront pas l’age necessaire.

Aujourd’hui differentes agences de la ville proposent d’approcher la realite de la mine. Tourisme glauque, dangeureux et peut etre meme stupide ! Interet sain ou malsain, on peut se poser la question. En tout cas la mine ca existe et c’est une realite qu’il ne sert a rien d’occulter, et une visite au fond c’est aussi un moyen de mesurer objectivement ce que c’est reellement, en partageant avec les mineurs les memes risques, le temps de quelques heures. On decide donc de ne pas fermer les yeux et d’aller voir par nous meme. Des guides, anciens mineurs ou geologues nous amenent alors a la decouverte de cet univers infernal.

             

On s’equipe de la tete aux pieds, casques, lampes frontales, foulard, bottes, et on passe faire quelques emplettes au marche des mineurs pour leurs amener quelques produits essentiels pour eux, soda, eau, feuilles de coca, et l’indispensable dynamite qu’ils utilisent pour faire sauter les veines. Apres nous avoir explique l’usage de chacun de ces produits, notre guide nous invite a celebrer le rituel d’entree a la mine. Un toast avec de l’alcool a 90 % porte a la Pachamama (la terre mere) pour qu’elle protege tous ceux qui sont sous terre et un autre au Saint Patron des mineurs pour que la recolte soit bonne (Les mineurs disent que plus l’alcool est pur et plus le minerais extrait sera pur).

      

Apres avoir visite l’usine de traitement du minerai, on s’enfonce alors dans les entrailles de la terre. Comme nous l’a conseille notre guide, on mache des feuilles de coca pour mieux supporter le manque d’oxygene et humidifier notre bouche desechee par toute cette poussiere. Les mineurs eux ne consomment rien d’autre au cours de leur journee de travail, coupe faim et stimulant, les feuilles de coca leur permette de tenir le coup.

       

Le premier couloir nous permet de tenir a peu pres debout, on s’enfonce progressivement dans le noir, la poussiere qui pique les yeux et la gorge et la chaleur qui monte petit a petit. On descend dans ces tunnels aux aspects tres precaires, soutenus ci et la par quelques madriers, de temps a autres on croise plusieurs mineurs le front couvert de sueur qui remontent dans de lourds chariots metalliques le fruit de leur travail ereintant. Le passage d’un niveau a un autre de la mine se fait par des couloirs etroits ou on ne peut se deplacer qu’ en rempant ou au mieux a quatres pattes, passage propice a une bonne montee d’angoisse.

      

Alors que les minerais sont remontes le long d’un puit profond descendant jusqu’au 6e sous sol. Arrive au 3e niveau j’ai atteind mon seuil de tolerance, et profite d’un tunnel un peu plus haut que les autres pour attendre la le groupe en compagnie du 2e guide et d’une italienne en panique. Alors que Manu et le reste du groupe atteignent le 4e sous sol pour un entretien prive avec le plus vieux travailleurs de la mine, qui entamme sa dix huitieme annee de labeur, un exploit.

 

Pendant ce temps nous faisons avec l’autre guide l’experience du noir total, on eteind juste nos lumiere et on se retrouve dans une obscurite bien plus profonde que les yeux fermes, une nuit sans lune, plutot flippant. Apres 1h30 on remonte essouffles les galeries etroites, niveau par niveau jusqu’a sentir le souffle frais de l’air venant de l’exterieur. On parcourt alors avec hate les derniers 200 metres, avant d’apercevoir avec soulagement la lumiere du jour et enfin inspirer une grande goulee d’air pur.

 Apres ce temps dans la mine on resort la gorge endolorie et les poumons satures, la voix quasiment eteinte et on imagine sans mal les degats occasionnes par une exposition quotidienne. Une fois a l’exterieur les guides nous font quelques demonstrations sur l’usage des explosifs, de grands booms qui ravient tous les garcons. Le soir on se couche un peu choques mais plus lucides quant a la vie de ces mineurs qui decident a moitie par force et a moitie par choix de sacrifier leur sante au prix du reve americain.  

        

Manu passe le rituel de virilite obligatoire

Le lendemain pour notre dernier jour a Potosi, on visite la casa de la moneda, suite logique de notyre journee de la veille apres l’extraction de l’argent on s’interesse maintenant a sa transformation. Le muse est le plus important de Bolivie, il occupe a lui seul tout un pate de maison dedie essentiellement a la colonisation. On parcourt une 15aine de salles ou on nous explique de A a Z la transformation par les colons de l’argent en piece de monnaie. Le musee regroupe encore dans un etat de parfaite conservation les machines de bois de l’epoque qui servaient a cet effet.

    

Des tresors d’ingeniosite et de technologie antique envoye d’europe en piece detache par bateau, qui permettent de fondre, tasser, laminer, couper et frapper ces petits ronds d’argent tant convoites. Parmis ces tresors d’ingenieries des pieces extraordinaires, comme des coffres forts aux systemes de serrures multiples, camouffles et codes par des mecanismes complexes qui servaient a convoyer toutes ces pieces d’argent jusqu’au royaume.

On finit finalement cette visite dans la precipitation pour pouvoir attrapper notre bus pour Uyuni qui nous amene vers des horizons beaucoup plus lumineux. Mais on repart de cette cite, plus lucide et mieux informes.    

 

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